Étiquette : souffrance

Shou Sugi Ban

Shou Sugi Ban

Les réminiscences du passé

« La vie est parfois violente pour qui chevauche la mort »- Maudmoiselle

Aujourd’hui la vie m’amène à rencontrer des êtres qui « experiencent » la maladie, en face à face avec la mort, n’ayons pas peur des mots.

Je me souviens…

Il y a un temps dans la maladie, j’entends celle qui fauche, celle qui te fait marcher sur le fil du rasoir, celle qui titille tes nerfs, celle qui réveille tes colères et tes peurs où tu te retrouves dans un sas. Tu fais parti ni des vivants, ni des morts, tu es dans le sas à attendre de savoir quelle porte, quel chemin va s’ouvrir à toi. Parce que j’en suis convaincue aujourd’hui, quelque soit la porte il y a un chemin à poursuivre.

Ce sas est labyrinthique, il t’emmène sur la voie de l’introspection, le but n’est pas de se perdre mais de se trouver justement. Il ne s’agit plus de se battre mais de lâcher prise, il ne s’agit pas de se résigner mais d’accepter. Dans ce sas tu peux paraître absent pour les vivants, parce que toute ton énergie est tournée vers trouver l’issue (quelle qu’elle soit)….la paix dans l’âme.

Je me souviens…

La bombe, les cinq mois d’hospitalisation, les chimios, les douleurs physiques, la souffrance morale, les colères, les désespoirs, les néants, le vide, l’inconnu, les éclats de rire aussi parfois, la joie, l’amour, l’amitié, et je me souviens du pire.

Un beau jour de septembre on te dit « c’est bon, c’est fini, vous pouvez rentrer. » Sauf qu’entre temps ta vie a été totalement dévastée, tu n’as fait que survivre.

Tu te retrouves un beau matin devant la glace en pied immense de la salle de bain, imberbe, bouffie par les traitements, une étincelle étrange dans le regard et tu ne sais plus qui est cet être dans le miroir. A cet instant même où j’étais enfin « sauvée », j’avais envie de mourir. Tous ces morceaux de moi que la maladie avait éparpillés, me confrontaient au vide absolu, sidéral.

Et à ce moment précis de l’existence, quelqu’un sonne à la porte : Ma meilleure amie. Devant ce néant, je suis incapable d’aller vers, de donner, d’accueillir, de tendre une main, de faire un geste, d’être…socialement, j’étais tout court et c’était compliqué. Je m’effondre alors dans un coin de cette salle de bain, submergée par les larmes, prostrée, la tête sur les genoux, emplie d’une douleur et d’une tristesse qui dépassent les murs. Recevoir la vie, c’était me demander l’impossible, je ne pouvais pas.

C’est violent la vie pour qui chevauche la mort, voir les autres partir de bon matin, vaquer à leurs occupations, l’air serein.

C’est violent la vie pour qui chevauche la mort, de reprendre la vie comme si de rien, quand on se sent être une terre brulée, un être dévasté.

C’est violent la vie pour qui chevauche la mort, de papoter, de parler d’un air léger, quand tu reviens de loin.

C’est violent la vie pour qui chevauche la mort, ça demande aux autres beaucoup d’humilité, des trésors de patience, et de l’amour en avalanche.

C’est violent la vie pour qui chevauche la mort, mustang prêt à te désarçonner alors que ton corps s’accroche à la vie « à mort ».

Vous allez vous dire, ce n’est pas gai, gai comme aparté, mais la vie n’est pas toujours gai vous le savez. De temps en temps, au détour d’un instant, elle nous ressert le passé, comme pour te dire de ne pas oublier ce qui a été expérimenté et te rappeler qu’au bout du bout, la clé, c’est d’accepter, le corps tel un cathéter, se laisser pénétrer par l’énergie de l’univers.

Je finirais sur cette belle allégorie de la vie

Connaissez vous la technique japonaise appelée Shou-Sugi-Ban. C’est une technique qui consiste à bruler le bois de construction des maisons pour le rendre plus résistant aux uv, aux insectes, aux intempéries. On brûle plus ou moins, on gratte plus ou moins, ce qui permet d’obtenir toute une gamme de noirs. La surface devient dure en se carbonisant, opaque et douce comme de la peau si on la débarrasse de tous les résidus de bois brûlé. Cette technique anoblit les matériaux, fascine par les noirs profonds qu’elle suscite, tour à tour mats ou brillants.

Soyez fier de toute votre gamme de noirs, car ce qui ne tue pas rend définitivement plus fort ♥

A JM&C

Combien d'étoiles donnez-vous à cet article ?

Au-delà des déchirures

Au-delà des déchirures

La Transmutation

A l’âge de 5ans, j’ai eu la grande fierté (oui, oui!) de vivre ma première hospitalisation, pour quelque chose que je qualifierais d’anodin : L’appendicite. Sauf que j’ai choisi un moment très particulier, histoire de bien enquiquiner le monde : Un jour de grève des médecins….ça c’est tout moi!

Bref, pour en venir au fait, après avoir été opérée et avoir pu fièrement arborer mes magnifiques agrafes à qui voulait bien regarder ma blessure de guerre, je me suis retrouvée à partager ma chambre avec une jeune demoiselle de 3ans mon ainée :  Stella…ma première étoile.

Et Stella aujourd’hui avec 40ans de recul me donne une magnifique leçon.

Ma chère et jeune compagne de chambre, du haut de ses 8 ans avait eu le malheur de se voir les jambes ébouillantées au 3ème degré, par une vulgaire cocotte minute laissée sans attention. Son lit était serti de cerceaux, non pas pour jouer à la princesse mais pour empêcher les draps de toucher ne serait ce qu’un grain de sa tendre peau d’enfant. Je vous plante le décor : Elle, en mode torturée par la douleur, mais rayonnante de douceur et moi, déjà grande amoureuse de Dame Nature, passionnée par ma grande copine du moment, faire des puzzles de Maya L’Abeille.

Concernant Stella, le grand rituel du matin consistait pour les infirmières à venir avec des pinces à épiler, lui ôter les peaux mortes et brulées. Ce qui avait pour résultat instantané de lui arracher des cris de douleur et des larmes dont j’étais l’impuissante spectatrice. Quand je repense aujourd’hui à ces instants, je peux encore ressentir sa souffrance et voir la détresse qui naissait dans son regard les minutes qui précédaient la torture.

Où veut elle en venir allez vous me dire?

Cette parenthèse aussi cruelle fut-t-elle, est à mon sens l’histoire de notre vie.

De la naissance à la mort, nous traversons des épreuves, certaines plus profondément douloureuses que d’autres. Ce que nous demande la vie, c’est d’enlever une à une, à la pince à épiler tous ces lambeaux de peau morte, tous ces deuils d’amour, ces blessures d’abandon, de trahison, de rejet, d’injustice, d’humiliation : Toutes ces déchirures. Vous seul savez comment ce process peut être long, troublant et déchirant.

Mais sous ces couches de derme mort, où nous avons laissé un peu de nos illusions, perdu parfois semble-t-il comme une part de notre âme, de notre foi en l’existence, se cache un fabuleux trésor : Une peau neuve qu’il nous faudra apprendre à aimer avec toutes ses cicatrices, visibles ou invisibles. De ne pas laisser l’amertume, les peurs, la tristesse ou la colère nous envahir, parce que la vie par ces épreuves est juste venue nous dire : « Regarde au delà des déchirures, transmute cette épreuve, change le plomb en or et fait de ton coeur un diamant pur. »

Stella où que tu sois, mon coeur pense encore à toi et je te remercie pour cette belle leçon de vie que j’intègre aujourd’hui. Je n’avais que 5ans, il m’aura fallu du temps, mais la vie était déjà bien décidée …à m’éclairer.

N’oubliez pas de toujours suivre votre étoile.♥

Combien d'étoiles donnez-vous à cet article ?

Lettre à Simone

Lettre à Simone

IVG…La vie n’est que choix

Bonjour Chère Madame,

Enfin, permettez moi de vous appeler Simone…

Je voulais vous écrire plus tôt Simone, mais pour tout vous dire je ne trouvais pas les mots, je crois même que j’avais peur.

Vous êtes partie il y a 1an maintenant, à quelques jours de vos 90ans. Laissez moi vous dire combien j’admire la femme que vous êtes même si je ne sais que peu de choses de vous. Vous avez de tous temps rayonné d’une beauté dont on soupçonne la force intérieure indomptée. Je tenais à vous remercier de ce modèle que vous nous avez donné : la femme n’est que la somme de toutes ses volontés. Je ne doute pas que sous l’armure, il y eut surement quelques fêlures, mais vous avez certainement su les apprivoiser, c’est ce qui a fait de vous un vrai guerrier.

La seule chose qui m’ait tatouée, historiquement parlant, dans mon parcours de collégienne, c’est vous et votre bataille pour le droit à l’IVG. J’étais en 3ème la première fois que votre nom m’a percutée, cet instant est photographique, c’était annonciateur d’un futur, c’était sans savoir que des années plus tard je comprendrai pourquoi vous m’aviez tant marquée. Cette loi qui prendra votre nom « Veil » est arrivée quelques mois après ma naissance en 74. Allez savoir pourquoi je n’ai retenu de vous que cette bataille, j’étais très jeune, je ne me sentais pas concernée, ça ne m’arriverait pas, au grand jamais….J’avais bien dit « Jamais ».

Vous savez, j’avais la prétention de penser que je n’étais pas une fille « comme ça », j’ai reçu une éducation catholique, donc comment vous dire que ça n’aurait pas fait très chic dans mon paysage pétri de chrétienté, une ombre au tableau. De toute façon ça ne pourrait pas m’arriver, ces choses là ça n’arrive qu’aux autres, je me sentais au dessus de tout soupçon, j’avais l’auréole de la fille chez qui tout tourne rond, je me voulais en odeur de sainteté, jamais je ne pourrai pêcher….parce que dans le regard des biens pensants, avorter c’est pêcher, n’est ce pas? et j’ai été de ceux là, de ceux qui jugent.

Mais voilà Simone, un beau jour ça m’est arrivé. On croirait à me lire que ça m’est tombée dessus par hasard, sans même le vouloir. Disons que c’est la résultante d’un mélange de peurs, d’incompréhensions mutuelles, d’attentes inespérées, d’illusions, d’une mauvaise communication, du passé qui pèse son poids comme le futur, avec tout ce qu’il représente d’inconnu. Quoi qu’il en soit cette décision est loin d’avoir été facile à prendre, à vivre et à assumer, même si pour certaines c’est une évidence, elle peut être (très) lourde de conséquences.

Tant d’années après votre loi, je me rends compte combien il est encore tabou d’en parler, de l’écrire, d’ailleurs ivg ça passe tellement mieux qu’avortement sur le papier, c’est tellement plus « léger ». Pourtant je rencontre chaque jour des femmes qui « y sont passées », qui l’ont vécu dans leur chaire et qui portent en elle, encore des années plus tard, les stigmates de ce vécu, de ce choix qui nous a semblé le plus propice à l’instant T.

Ce n’est pas bien vu de raconter, le sujet est supposé rester dans la sphère de l’intimité et pourtant quel merveilleux droit vous nous avez offert Simone, celui d’avoir le choix…de ne pas subir.  Droit si fragile, qu’en plusieurs pays aujourd’hui il vacille, donc si les femmes n’en parlent pas comment lutter pour préserver cet acquis là, montrer que c’est une nécessité pour la femme de pouvoir décider?

D’avoir acté ne fait pas de moi une fille légère ou mauvaise, n’en déplaise à ceux que ça ne met pas à l’aise. J’étais bien initiée aux contraceptions, autant dire que j’avais essayé quelques dispositifs, c’est une familiarité pour la gente féminine, je crois. Ce qui n’a pas empêché l’impensable d’arriver. Je ne vous raconterai pas l’histoire qui m’appartient, tout ce que je peux vous dire c’est que j’ai agi par amour. Jusque là j’avais déjà encaissé pas mal de choses sur mon parcours et je croyais que je serais suffisamment forte pour supporter ce choix (moi guerrière!). Sauf qu’il m’en a chèrement couté et que j’ai cru ne pas m’en relever. Je me suis sentie morte à l’intérieur, j’ai vécu quelques temps en mode automatique et j’ai mis 9 mois pour que la vie fasse à nouveau fleurir en moi des vagues de joie, naitre de vrais sourires sur mes lèvres, que je retrouve la voie du bonheur et j’ai mis des années pour faire le chemin du deuil et du pardon.

Il y a encore tant de chemin à parcourir, pour aider les femmes à moins souffrir. Cette omerta du silence, c’est tragique quand on y pense. La femme se retrouve noyée dans sa solitude, à panser ses plaies même si pour les autres cela parait absurde, puisque l’ivg devrait être un acte assumé et ne devrait pas laisser de blessures à l’âme.

J’ai eu l’occasion de parler de ma souffrance avec mon homéopathe préféré, un homme d »une autre génération, fervent catholique, qui m’a racontée voir pleurer dans son cabinet des femmes d’un âge avancé versant des larmes sur ce qu’elles avaient vécu il y a fort longtemps. Des souffrances inexprimées, le poids du non dit, des expériences lourdes à porter.

Pourtant, rien n’est moins évident, car nous sommes humaines voyez-vous, façonnées de tant de sentiments contraires, de tiraillements, avec nos valises pleines d’affects. J’ai passé des nuits entières à chercher dans la blogosphère, des réponses à mes questions et je n’ai fait que tomber sur des situations pleines de désespoir qui venaient ajouter du désarroi, une grande détresse à ma situation dépressive. Je cherchais la terre ferme, des mots doux de femmes compréhensives, une oreille attentive, pour m’offrir une trêve dans ce mal être.

En ces temps de traversée du désert, ironie du sort, mes deux amies les plus proches étaient des femmes qui ne pouvaient pas ou n’arrivaient pas à avoir d’enfant alors que c’était leur désir le plus fort. Malgré toutes mes appréhensions, ces femmes ont su m’offrir du réconfort, et plein d’amour à travers leurs larmes, cadeau du coeur de femme à femme.

Il y a x raisons de passer à l’action, chacune est respectable, je ne me poserai pas en diable, personne n’a à porter de jugement. J’ai longtemps regretté qu’il n’y ait pas a postériori d’accompagnement, quelqu’un qui soit présent et vous entend, sans vous considérer en contrevenant. Dans l’environnement médical, il faudrait ouvrir certains esprits, qu’on ne regarde pas la femme comme une ahurie, une irresponsable, ce traitement n’est pas acceptable. Vivre un IVG est dans les actes une banalité, sur une journée le tour est joué mais il faut parfois ensuite des mois pour se reconstruire et poser un regard neuf sur l’avenir avec des cicatrices à l’âme, écorchures que nul d’entre vous ne saurait voir tant les femmes sont douées pour camoufler leurs trous noirs.

Je me suis relevée Simone, mon regard a fini par muer, il a changé quand par un prénom, j’ai insufflé la vie. Le simple fait de ce prénom qui habitait désormais mon existence me donnait de nouvelles perspectives, je n’étais plus une femme à la dérive.

Après cela, j’ai longtemps été animée par le fait de vouloir apporter mon soutien à des femmes en détresse qui auraient connu ce parcours long et parfois difficile du post ivg. Créer un cercle de paroles, échanger, partager, créer un espace de non jugement pour libérer les souffrances, trouver une écoute, du sens, offrir des clés. Je n’ai pas encore OSE, Simone, mais je n’ai pas dit mon dernier mot …

Merci mille fois pour tout Simone, pour vos batailles pour chacune de nous, et je me permettrais de citer une autre Simone « Une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère », comme si vous les Simone aviez un chemin tout tracé, celui d’ouvrir la voie aux femmes pour plus de liberté.

Je me souviendrai de votre entrée dans ma vie comme de votre départ Simone, j’étais dans une cabane, perdue au milieu de la nature au pays des chercheurs d’or en Californie, ma vie venait de prendre un virage xxl et le papillon, à Mariposas, déployait surement ses ailes.

C’est ma façon de lutter Simone, ces quelques mots couchés sur le papier, c’est votre combat que l’on doit continuer.

A toutes les femmes,

de quelque génération que vous soyez,

qui aimeraient voir fleurir un cercle,

poussez ma porte….ELLE EST OUVERTE♥

A Noé  …

Combien d'étoiles donnez-vous à cet article ?