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Lettre à Simone

Lettre à Simone

IVG…La vie n’est que choix

Bonjour Chère Madame,

Enfin, permettez moi de vous appeler Simone…

Je voulais vous écrire plus tôt Simone, mais pour tout vous dire je ne trouvais pas les mots, je crois même que j’avais peur.

Vous êtes partie il y a 1an maintenant, à quelques jours de vos 90ans. Laissez moi vous dire combien j’admire la femme que vous êtes même si je ne sais que peu de choses de vous. Vous avez de tous temps rayonné d’une beauté dont on soupçonne la force intérieure indomptée. Je tenais à vous remercier de ce modèle que vous nous avez donné : la femme n’est que la somme de toutes ses volontés. Je ne doute pas que sous l’armure, il y eut surement quelques fêlures, mais vous avez certainement su les apprivoiser, c’est ce qui a fait de vous un vrai guerrier.

La seule chose qui m’ait tatouée, historiquement parlant, dans mon parcours de collégienne, c’est vous et votre bataille pour le droit à l’IVG. J’étais en 3ème la première fois que votre nom m’a percutée, cet instant est photographique, c’était annonciateur d’un futur, c’était sans savoir que des années plus tard je comprendrai pourquoi vous m’aviez tant marquée. Cette loi qui prendra votre nom « Veil » est arrivée quelques mois après ma naissance en 74. Allez savoir pourquoi je n’ai retenu de vous que cette bataille, j’étais très jeune, je ne me sentais pas concernée, ça ne m’arriverait pas, au grand jamais….J’avais bien dit « Jamais ».

Vous savez, j’avais la prétention de penser que je n’étais pas une fille « comme ça », j’ai reçu une éducation catholique, donc comment vous dire que ça n’aurait pas fait très chic dans mon paysage pétri de chrétienté, une ombre au tableau. De toute façon ça ne pourrait pas m’arriver, ces choses là ça n’arrive qu’aux autres, je me sentais au dessus de tout soupçon, j’avais l’auréole de la fille chez qui tout tourne rond, je me voulais en odeur de sainteté, jamais je ne pourrai pêcher….parce que dans le regard des biens pensants, avorter c’est pêcher, n’est ce pas? et j’ai été de ceux là, de ceux qui jugent.

Mais voilà Simone, un beau jour ça m’est arrivé. On croirait à me lire que ça m’est tombée dessus par hasard, sans même le vouloir. Disons que c’est la résultante d’un mélange de peurs, d’incompréhensions mutuelles, d’attentes inespérées, d’illusions, d’une mauvaise communication, du passé qui pèse son poids comme le futur, avec tout ce qu’il représente d’inconnu. Quoi qu’il en soit cette décision est loin d’avoir été facile à prendre, à vivre et à assumer, même si pour certaines c’est une évidence, elle peut être (très) lourde de conséquences.

Tant d’années après votre loi, je me rends compte combien il est encore tabou d’en parler, de l’écrire, d’ailleurs ivg ça passe tellement mieux qu’avortement sur le papier, c’est tellement plus « léger ». Pourtant je rencontre chaque jour des femmes qui « y sont passées », qui l’ont vécu dans leur chaire et qui portent en elle, encore des années plus tard, les stigmates de ce vécu, de ce choix qui nous a semblé le plus propice à l’instant T.

Ce n’est pas bien vu de raconter, le sujet est supposé rester dans la sphère de l’intimité et pourtant quel merveilleux droit vous nous avez offert Simone, celui d’avoir le choix…de ne pas subir.  Droit si fragile, qu’en plusieurs pays aujourd’hui il vacille, donc si les femmes n’en parlent pas comment lutter pour préserver cet acquis là, montrer que c’est une nécessité pour la femme de pouvoir décider?

D’avoir acté ne fait pas de moi une fille légère ou mauvaise, n’en déplaise à ceux que ça ne met pas à l’aise. J’étais bien initiée aux contraceptions, autant dire que j’avais essayé quelques dispositifs, c’est une familiarité pour la gente féminine, je crois. Ce qui n’a pas empêché l’impensable d’arriver. Je ne vous raconterai pas l’histoire qui m’appartient, tout ce que je peux vous dire c’est que j’ai agi par amour. Jusque là j’avais déjà encaissé pas mal de choses sur mon parcours et je croyais que je serais suffisamment forte pour supporter ce choix (moi guerrière!). Sauf qu’il m’en a chèrement couté et que j’ai cru ne pas m’en relever. Je me suis sentie morte à l’intérieur, j’ai vécu quelques temps en mode automatique et j’ai mis 9 mois pour que la vie fasse à nouveau fleurir en moi des vagues de joie, naitre de vrais sourires sur mes lèvres, que je retrouve la voie du bonheur et j’ai mis des années pour faire le chemin du deuil et du pardon.

Il y a encore tant de chemin à parcourir, pour aider les femmes à moins souffrir. Cette omerta du silence, c’est tragique quand on y pense. La femme se retrouve noyée dans sa solitude, à panser ses plaies même si pour les autres cela parait absurde, puisque l’ivg devrait être un acte assumé et ne devrait pas laisser de blessures à l’âme.

J’ai eu l’occasion de parler de ma souffrance avec mon homéopathe préféré, un homme d »une autre génération, fervent catholique, qui m’a racontée voir pleurer dans son cabinet des femmes d’un âge avancé versant des larmes sur ce qu’elles avaient vécu il y a fort longtemps. Des souffrances inexprimées, le poids du non dit, des expériences lourdes à porter.

Pourtant, rien n’est moins évident, car nous sommes humaines voyez-vous, façonnées de tant de sentiments contraires, de tiraillements, avec nos valises pleines d’affects. J’ai passé des nuits entières à chercher dans la blogosphère, des réponses à mes questions et je n’ai fait que tomber sur des situations pleines de désespoir qui venaient ajouter du désarroi, une grande détresse à ma situation dépressive. Je cherchais la terre ferme, des mots doux de femmes compréhensives, une oreille attentive, pour m’offrir une trêve dans ce mal être.

En ces temps de traversée du désert, ironie du sort, mes deux amies les plus proches étaient des femmes qui ne pouvaient pas ou n’arrivaient pas à avoir d’enfant alors que c’était leur désir le plus fort. Malgré toutes mes appréhensions, ces femmes ont su m’offrir du réconfort, et plein d’amour à travers leurs larmes, cadeau du coeur de femme à femme.

Il y a x raisons de passer à l’action, chacune est respectable, je ne me poserai pas en diable, personne n’a à porter de jugement. J’ai longtemps regretté qu’il n’y ait pas a postériori d’accompagnement, quelqu’un qui soit présent et vous entend, sans vous considérer en contrevenant. Dans l’environnement médical, il faudrait ouvrir certains esprits, qu’on ne regarde pas la femme comme une ahurie, une irresponsable, ce traitement n’est pas acceptable. Vivre un IVG est dans les actes une banalité, sur une journée le tour est joué mais il faut parfois ensuite des mois pour se reconstruire et poser un regard neuf sur l’avenir avec des cicatrices à l’âme, écorchures que nul d’entre vous ne saurait voir tant les femmes sont douées pour camoufler leurs trous noirs.

Je me suis relevée Simone, mon regard a fini par muer, il a changé quand par un prénom, j’ai insufflé la vie. Le simple fait de ce prénom qui habitait désormais mon existence me donnait de nouvelles perspectives, je n’étais plus une femme à la dérive.

Après cela, j’ai longtemps été animée par le fait de vouloir apporter mon soutien à des femmes en détresse qui auraient connu ce parcours long et parfois difficile du post ivg. Créer un cercle de paroles, échanger, partager, créer un espace de non jugement pour libérer les souffrances, trouver une écoute, du sens, offrir des clés. Je n’ai pas encore OSE, Simone, mais je n’ai pas dit mon dernier mot …

Merci mille fois pour tout Simone, pour vos batailles pour chacune de nous, et je me permettrais de citer une autre Simone « Une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère », comme si vous les Simone aviez un chemin tout tracé, celui d’ouvrir la voie aux femmes pour plus de liberté.

Je me souviendrai de votre entrée dans ma vie comme de votre départ Simone, j’étais dans une cabane, perdue au milieu de la nature au pays des chercheurs d’or en Californie, ma vie venait de prendre un virage xxl et le papillon, à Mariposas, déployait surement ses ailes.

C’est ma façon de lutter Simone, ces quelques mots couchés sur le papier, c’est votre combat que l’on doit continuer.

A toutes les femmes,

de quelque génération que vous soyez,

qui aimeraient voir fleurir un cercle,

poussez ma porte….ELLE EST OUVERTE♥

A Noé  …

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Marc Zaffran

Marc Zaffran

alias Martin Winckler

..ex-médecin & écrivain ou l’histoire d’un coup de coeur.

J’ai rencontré Martin Winckler par hasard. Missionnée pour faire des photos lors d’un évènement du Lycée français, je me retrouve dans la bibliothèque, arrivant au beau milieu d’une conférence à prendre des photos de l’intervenant. Perturbant un chouia l’atmosphère silencieuse avec le clic clac de mon Nikon, je tends l’oreille à ce qui se raconte et fort intéressée par ce que j’entends, je finis par m’asseoir et écouter, mettant de côté ma mission, photographier.

Martin Winckler est écrivain, c’est d’ailleurs son pseudonyme, médecin de formation, français, ayant pratiqué pendant 25ans et vivant depuis 8 ans au Canada. Auteur  de la « Maladie de Sachs » et du « Choeur des femmes » entre autre, il exerce également comme critique de séries télévisées, traducteur and so on.

Il débattait ce jour de la relation Soignant/Patient, de l’importance du rôle/place de chacun, et que le patient devrait toujours se sentir mieux après une consultation (sauf exception, le médecin doit malheureusement parfois annoncer des nouvelles qui ne sont pas toujours agréables), dans le cas contraire le soignant devient selon lui, maltraitant. J’en viens naturellement à vous raconter une petite expérience personnelle que le sujet ravive spontanément:

J’ai 24/25ans, j’ai emménagé dans en Savoie depuis peu et comme toute femme bien intentionnée, je prends rendez-vous chez une gynéco pour un suivi classique, un rendez-vous lambda. J’arrive chez LA dite gynéco, qui ne me connait ni d’Adam ni d’Eve, le moral au beau fixe, mon pavé médical sous le bras. Question de routine « Vos antécédents? » « Leucémie aigüe à 19ans, vous avez le détail dans le dossier. » Après quelques minutes la tête dans la paperasse, elle relève le regard et m’annonce comme si on parlait de la pluie et du beau temps, « Vous savez là, avec les antécédents que vous avez eu et les traitements, vous avez des risques de ménopause précoce, faudrait peut-être penser à faire des enfants ». Heureusement que j’étais assise!!! La délicate me balance une bombe (je n’avais absolument aucune idée de la chose, j’en étais juste restée à « on t’a fait une auto greffe pour préserver tes chances d’être mère un jour » et j’en étais encore à mon chemin de reconstruction, le temps faisant son oeuvre). Un je ne suis pas au courant, Deux les enfants c’est pas au programme, Trois « Mais qu’est ce que tu me racontes là???? » avec la voix de Arnold dans Arnold et Willy. Je ressors primo très en colère contre la dame en question, deuxio vénère contre le professeur et l’équipe du service qui m’a suivie (et me suis encore de loin!) genre on m’aurait mentie par omission. C’est ce que j’appelle un soignant maltraitant qui peut-être par son intention de prévention déclenche un cataclysme par manque de finesse, psychologie, pudeur, empathie, bon sens …

Au delà du discours qui faisait donc écho à certaines périodes de ma vie, c’est la simplicité, la sensibilité, la lucidité du bonhomme qui m’ont touchée. Particulièrement soucieux de la condition féminine, il a dans sa façon de s’exprimer du corps féminin et de ce qui le concerne, une profonde bienveillance, libératrice, accueillante, qui panse les plaies de la femme blessée en moi. Il peut en moins de 5 minutes placer les mots vagin, stérilet et ivg sans que personne ne se sente offusqué ou ai l’impression que d’immondes gros mots venaient de sortir de sa bouche. Je me sens comme apaisée, réconciliée avec la gente masculine par le regard neuf qu’il me propose, imprégné d’un profond respect pour la femme dans son entièreté, en faisant fi des tabous bien enracinés par notre éducation judéo chrétienne. Je respire et un enthousiasme, une joie profonde nait de mes entrailles.

Il n’en fallait pas plus pour que j’aille à la pêche aux informations et découvrir d’autres interventions du Monsieur à Frisco. Mr Winckler est artiste en résidence, assigné pour 5 semaines à San Francisco pour écrire et s’inspirer des lieux pour son prochain livre suite à une candidature qu’il a déposée auprès du Service culturel du Consulat français lançant la première édition de « A room with a view » et je comprends pourquoi cet intitulé quand j’arrive à la Résidence de France qui bénéficie d’une vue extraordinaire sur la ville.

Peu de temps après Farinaz Agharabi accueille Martin Winckler à son émission de radio « Francofun » à laquelle elle me propose très gentiment de me joindre mais « je peux pas, je fais la guide touristique!!!! aaaah! ». Emission dont vous pouvez retrouver le podcast sur le blog de Martin Winckler : « Cavalier des touches« 

Restant sur ma faim, j’achète un ticket pour retourner voir Martin Winckler0 en Résidence, le 01 Juin et approfondir « cette rencontre ». Suis assise au premier rang telle une groupie, et j’apprends que le Monsieur écrit depuis ses 12ans, de la même façon que j’ai commencé à nourrir mon envie/besoin d’écriture à cet âge. A l’heure des échanges, la question qui m’intéresse : « D’où vous vient cette sensibilité pour la gente féminine? », MW: « J’ai été élevé par des femmes..et sur mon parcours, j’ai exercé dans un centre de planification, de santé des femmes, géré par Madame Yvette Lagneau qui n’était à l’origine que simple surveillante et n’a jamais pratiqué d’intervention. Cette femme m’a appris les gestes et les mots pour aborder dans un profond respect les patientes lors des ivg que j’ai pratiqué ».

J’évoque alors mon arrivée récente à San Francisco, le blog, la joie d’avoir renoué avec l’écriture, lui expliquer le pourquoi du blog, de l’importance du partage d’expériences pour que chacun puisse y trouver ses clés..ou pas. L’importance d’être à San Francisco pour remettre le pied à l’étrier de l’écriture parce que le lieu est libérateur et ses belles énergies vous permettent d’OSER. MW soutient mes propos et m’encourage à poursuivre mon chemin, lui même a vécu 1 an aux Etats-Unis à l’âge de 17ans et cet évènement a changé sa vie, certainement comme il aura changé la mienne, je comprends infiniment. « Et votre retour en France ça s’est passé comment? », MW avoue qu’une certaine mentalité française et ses barrières « ont nourri des colères et les colères ont nourri mes écrits »…c’est pour cela qu’il faut continuer d’écrire, peu importe le reste, il faut OSER, continuez.

Je lui avoue que je n’ai lu aucun de ses livres mais je repars avec « En souvenir d’André » sous le bras avec l’idée que ce n’est qu’un début (livre que j’ai gobé hier dans l’après midi :)).

Chers lecteurs, si vous connaissez déjà l’auteur et ses livres, je vous invite à m’en faire part en commentaires, avide de connaître votre opinion. Par ailleurs est ce que cette notion de « maltraitance » résonne aussi en vous?

Merci Monsieur Winckler, d’être un homme engagé, le corps de la femme est à reconsidérer et votre humanité contribue au changement♥

 

 

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