Belle Mere

Belle Mere

Famille recomposée

« Composer », le mot phare de ma vie de « Belle Mère ». Vous entendez comme moi ce « R » qui racle, un peu brutal, et désagréable? Il y a quelque chose dans l’alliance de ces deux mots, belle et mère, qui sonne faux à mes oreilles rien qu’à le prononcer, je trouve l’expression, ni douce, ni affectueuse, même un peu rugueuse dans la gorge, comme s’il n’y avait pas d’amour autour, une version adoucie de la marâtre.

Avant de VIVRE en vrai, au jour le jour, l’expérience de la famille recomposée (et quelle expérience!), j’étais pleine d’entrain et de belles croyances, bercée d’illusions, je me suis pris en pleine face l’abrupte réalité. En ce qui me concerne l’affaire était simple, j’allais me retrouver avec deux nanas supplémentaires en plus de la mienne, on allait faire du lien, elles m’accepteraient dans leur vie, je serais un peu leur copine, leur confidente, ce sera chouette. L’histoire restait à écrire mais je trouvais qu’elle avait un beau potentiel de départ.

En fait, l’histoire s’est écrite tout autrement. Elles étaient à l’aube de l’adolescence et leur idéal venait d’éclater en miettes. Tant que je n’avais pas élu domicile, que je n’avais pas posé mes valises, je ne représentais pas un danger potentiel. J’entends par danger qu’en tant que femme, je prenais une place qu’elles se sentaient légitime d’occuper, parce que dans leurs yeux de petites filles, un peu amoureuses de leur père, elles devaient occuper toute la place pour compenser le manque d’une relation qui se rythmait désormais d’une rencontre un week-end sur deux. Mais c’est sur cette confusion des genres que sont nées les premières tensions. On ne jouait pourtant pas sur le même terrain mais tout était prétexte pour me montrer que je n’avais pas ma place, j’étais l’étrangère en terrain conquis.

J’ai débarqué une fin de juillet, le jour de la Ste Brigitte, et là nous sommes entrées tout de suite dans le dur. J’ai vécu en terrain miné de longues années, ne me sentant parfois aux abris que dans les quatre murs de ma chambre, osant à peine sortir pour ne pas croiser un regard de défiance ou une réflexion à la volée. L’air était dense et électrique, chargé de colère, de tristesse, de culpabilité et de toutes ces émotions inavouées. On mettait cela sur le compte de la souffrance, d’une situation difficile à accepter, à nous d’arrondir les angles, c’est bien nous les adultes qui avions tout décidé, c’était quelque part le prix à payer.

J’ai lancé des perches, jeté des fils, ils sont tous tombés à terre ou noyés dans l’eau. Pas moyen de tisser juste un bout de toile, ne serait ce que quelques mailles, l’amour ça ne se force pas, quelqu’un qui ne vous veut pas dans sa vie….NE VOUS VEUT PAS DANS SA VIE. Qu’on se le dise, les enfants de l’autre ne seront jamais tout à fait nos enfants, pour autant j’ai la conviction profonde que quand tous les éléments de l’environnement tendent vers une certaine ouverture, il est possible de créer une situation favorable à l’épanouissement de chacun, où respect mutuel et bienveillance sont les maîtres mots. Cependant j’ai eu bien souvent l’impression d’être en plein match, de voir se former deux équipes, de temps à autre ça joue mais la plupart du temps c’est la compétition à peu près sur tout… les uns contre les autres.

Un week-end sur deux, c’est de la rigolade me direz vous…en fait c’est vite revenu, voire trop vite pour respirer. Il m’arrivait les vendredis d’avant débarquement, de me mettre en condition psychologique pour être en capacité d’accueillir. Pour autant bien souvent le soir j’enfilais l’armure pour être fin prête à recevoir les flèches qui allaient pleuvoir ou les regards revolver. J’avoue j’en ai pleuré de cette inimitié, j’avais pas vu venir, j’avais enjolivé la chose. Le but ultime était forcément de désunir, je peux le comprendre, pour autant la situation était ce quelle était et nous devions TOUS composer avec.

Sur plein de points j’ai eu tort, j’ai cru que je devais faire le dos rond face à maintes situations, prendre sur moi pour éviter les déflagrations mais avec le recul je réalise que tous ces évènements, ces mises en tension se sont présentés pour que j’apprenne à m’affirmer dans ma nouvelle position, et que je ne devais pas me laisser envahir par la colère qui était dirigée contre ma personne. En bonnes adolescentes, elles ont titillé nos nerfs assez bien pour nous pousser dans nos extrêmes limites, jouant sur tous les tableaux, on a résisté du mieux possible, on se disait qu’en grandissant elles allaient gagner en maturité, et qu’inévitablement les choses allaient changer.

Puis comment vous dire qu’il y a AUSSI des instants précieux, les moments rares, ceux qui te font monter les larmes aux yeux, des miracles de la vie, les arrêts sur image, des petites bulles de bonheur, un geste que tu n’attendais plus, un bouclier qui tombe, c’est alors qu’en toi tout s’apaise comme si enfin tu ne marchais plus sur des braises.

J’ai tellement appris durant ces années, sur qui je suis, mes faux pas, mes inaptitudes, mes limites, mes forces, mes richesses. J’ai tellement grandi aussi, poussée dans mes extrêmes retranchements, j’ai exploré mes zones d’ombre autant que mes zones de lumière et chaque jour qui s’avance je regarde mon chemin d’évolution et j’en suis fière.

Sept ans plus tard, après une année passée ensemble à temps plein, la vie m’apprend que rien ne se force jamais, que le temps joue en ta faveur si tu tiens sur la longueur et que peut être aujourd’hui se dessine à l’horizon quelque chose qui ressemble à l’acceptation.

Je sais que vous lirez ces lignes, merci de tout coeur les filles ♥

 

 

ps: Si jamais vous êtes en chemin, armez vous de beaucoup d’amour pour ne pas tout faire éclater.

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